Actualité

Partout dans le monde, la colère monte contre les plateformes de streaming musicales

 

Selon une campagne d'Aepo Artis lancée en septembre 2020, 90% des artistes reçoivent moins de 1000 euros par an grâce à Spotify, même si leurs titres sont « streamés » jusqu'à 100 000 fois. Alors qu'en pleine crise sanitaire, les possibilités de se produire sur scène ont été réduites à néant, les musiciens réalisent à quel point les seuls revenus du stream les laissent démunis. En Grande-Bretagne, aux États-Unis et en France, ils lèvent la voix pour demander aux plateformes des rémunérations plus justes.

 

x

© Wichayada

Par Trax Magazine
En partenariat avec la Electronic Music Factory

 

« Le streaming a volé l'argent de mes CDs » : c'est en ces termes que le rockeur californien David Crosby révélait le 7 décembre sa décision de revendre l'entièreté de son catalogue à Universal. « J'ai une famille dont je dois prendre soin et des biens hypothéqués... […] Je suis sûr que les autres pensent la même chose », justifie le septuagénaire. Comment l'un des chanteurs les plus célèbres au monde peut-il avoir du mal à trouver son compte sur les plateformes de streaming ? Dans cette pandémie qui a tant coûté à l'industrie musicale, elles figurent pourtant parmi les rares entreprises à tirer leur épingle du jeu. Mais dans le même temps, des organisations internationales haussent le ton pour leur demander de mieux rémunérer les artistes. En octobre, le syndicat américain UMAW lançait la campagne Justice at Spotify, réclamant d' augmenter le paiement des royalties, d'assurer la transparence de leurs pratiques et de cesser les procès contres les artistes ». La révolte gronde aussi en Grande-Bretagne, où des milliers d'artistes ont ratifié la pétition « Broken Records », aux revendications semblables. Le Parlement anglais a même ouvert une enquête visant Apple Music, Spotify et YouTube.

Le 23 novembre, l'ADAMI, société de gestion représentant les intérêts des artistes-interprètes dans l'Hexagone, se joignait elle aussi au mouvement, en adressant une mise en demeure au ministère de la Culture au sujet de la rémunération des artistes sur internet.

Selon le site The Trichordist, en 2019, Spotify rémunérait les ayants droit à hauteur de 0,0034 dollar par écoute. Apple Music se montrait un peu plus généreux, avec 0,0067 dollar, suivi par Deezer (0,0056) et Amazon Music (0,0042). Des chiffres qui sont à relativiser, puisqu'au sein d'une plateforme comme Spotify, les artistes les plus écoutés possèdent des parts de marché et sont donc mieux payés à chaque écoute, ce qui privilégie les plus grosses majors. Certains collectifs demandent donc la mise en place d'un modèle « centré sur l'utilisateur », dans lequel la rémunération de chaque artiste serait calculée en fonction de son nombre de streams direct : une écoute rapporterait par exemple un centime.

 

Une menace pour la création ? 

 

Dans une année noire pour l'industrie musicale, au cours de laquelle l'immense majorité des tournées et des festivals ont dû être reportés puis annulés, on découvre un déséquilibre installé depuis des années : dans l'écrasante majorité des cas, les écoutes en elles-mêmes ne rapportent pas suffisamment pour vivre et continuer à créer. « Chez InFiné comme ailleurs, les revenus des artistes viennent en grande majorité du live, et c'est ce qui rend la situation actuelle si difficile. », révèle Alexandre Cazac, cofondateur du label indépendant parisien InFiné. « Depuis la fin du CD, on a laissé s'installer un modèle dans lequel la création sert à générer de l'exposition médiatique, afin d'obtenir des cachets auprès de festivals ou de salles de concerts. La création en elle-même n'est plus directement rémunératrice ».

D'après Alexandre Cazac, le mode fonctionnement des plateformes de streaming favorise certains genres musicaux comme la pop et le rap. Ces morceaux, écoutés en boucle par un public jeune, auront forcément plus de chance de se faire une place de choix dans un algorithme que des titres de classique ou d'ambient. « Quand les plateformes de streaming se sont lancées en 2006-2007, elles portaient en elles une idée d'ouverture à toutes les musiques du monde, de toutes les époques, de tous les styles, de façon égale ! L'ère digitale a modifié autant la façon de faire que d'écouter la musique. Nous avons entendu comment cela avait libéré les influences et suscité de vocations depuis 20 ans. Malheureusement, ce vent de liberté a disparu avec la réalité des logiques économiques qui sont très éloignées de celles de la création. », regrette le directeur de label. « L'équilibre entre les deux est vital pour la musique et reste encore à trouver. A ce titre, tous les acteurs de la filière - artistes, producteurs, éditeurs, plateformes de streaming - sommes tous sur le même bateau et devons innover ensemble pour assurer notre survie. », ajoute celui qui tient à défendre coûte que coûte la prise de risque artistique.

Pour l'heure, le PDG de Spotify Daniel Ek ne semble pas se soucier de toute cette mauvaise presse. Fin juillet, il a déclaré au site Music Ally que si les artistes souhaitaient gagner plus, ils n'avaient qu'à produire plus d'albums.

 

Vous êtes artiste, vous travaillez au sein d'un label ? Retrouvez toutes les informations pour diffuser votre musique sur le site Electronic Music Factory

 

C. Laborie

 

18 décembre 2020