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« Ça va être beau et bouleversant » : comment les patrons de clubs se préparent pour la réouverture

 

Des nuits entières à danser avec des centaines d'inconnus, sans masque ni distanciation sociale. Le programme ressemble aujourd'hui à un récit de science-fiction, mais il deviendra réalité dès le 9 juillet prochain, date officielle de réouverture des boîtes de nuit dans toute la France. Comment les patrons de clubs se projettent-ils dans le retour du public ? Nous avons posé la question à trois des clubs house et techno qui nous ont le plus manqué, le Djoon, le Rex et le Macadam.

 

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Le Rex Club © David Boschet

 

Par Trax Magazine
En partenariat avec la Electronic Music Factory

 

 

Le 9 juillet : la date est désormais officielle. Après quinze mois de fermeture, et des mois de tractation entre syndicats et gouvernement, un protocole sanitaire a enfin été établi pour permettre la réouverture de toutes les boîtes de nuit de France, de la grande discothèque de campagne au petit club techno de centre-ville. D'après les mesures désormais en vigueur, les établissements de nuit pourront donc remplir leur jauge à 75 %, avec des entrées conditionnées à la présentation d'un pass sanitaire. A Nantes, Alexis Tenaud, directeur artistique du Macadam, se réjouit de ce « protocole plutôt lisible ». Pendant un temps, il avait été envisagé d'imposer le service des boissons à table - « on n'a pas de table, donc ça aurait été compliqué », ironise Alexis Tenaud. Mais pour lui, « le pire aurait été de devoir imposer le masque dans le club ». « On aurait dû restreindre notre public, lui rappeler tout le temps de mettre le masque, ça aurait été complètement à l'encontre du lâcher-prise qu'on défend depuis nos débuts ».

 

Les règles du jeu ayant été arrêtées, les équipes des clubs peuvent désormais se projeter dans la première soirée du reste de leur vie. « On sait qu'il y aura une effervescence dingue, le retour de cette pression sonore qui nous a tant manqué. Ça va être beau et bouleversant », s'illumine Alexis Tenaud, qui anticipe déjà « cette crampe qu'on aura tous dans le ventre juste avant d'ouvrir le club ». Même excitation chez Adrien Assadian, bookeur au Djoon, à Paris : « La soirée d'ouverture, on ne pense plus qu'à ça. On veut inviter principalement nos résidents, notre famille. Il y a une telle demande du public et de nos habitués que je ne pense pas qu'on ait besoin de faire un line-up à rallonge », précise-t-il. Malgré l'impatience, le club house ne devrait pas rouvrir ses portes avant le mois de septembre, comme la plupart des établissements citadins. « Nous sommes en contact avec une quarantaine d'autres clubs sur whatsapp, et la plupart sont d'accord avec nous sur ce point. Nous sommes quasiment toujours fermés au mois d'août, il fait trop chaud, les gens sont en vacances, il ne serait pas rentable d'ouvrir avant la rentrée », regrette Adrien Assadian.

 

Pas de réouverture avant septembre, mais des événements hors les murs

 

« Cette annonce précise de réouverture est une excellente nouvelle, mais on ne va pas non plus rouvrir tout de suite », abonde Fabrice Gadeau, directeur du Rex club. « Notre clientèle est surtout composée de jeunes, qui sont encore peu vaccinés. Nous les avons sondés, et peu d'entre eux seraient prêts à faire un test PCR juste pour une soirée », remarque-t-il, rappelant que le Rex est de toute façon toujours fermé du 15 juillet au 15 août. Pour retrouver son public avant la rentrée, l'équipe du mythique club techno parisien se réinvente en dehors de ses murs, en s'associant avec le Badaboum pour un événement le 3 juillet au Plein Soleil, club éphémère en plein air à La ferme du Buisson, à Noisiel (77). Le 24 juillet, le Rex assurera aussi la programmation d'une soirée au tiers-lieu le Kilowatt, à Vitry (94), avec deux scènes sur lesquelles se succéderont Jeremy Underground, le collectif Sœurs Malsaines et la DJ house bordelaise Marina Trench. Le tout avant « de très belles surprises » qui nous attendent dès le mois de septembre.

 

A long terme, les nuits post-covid ressembleront-elles à celles d'avant 2020 ? Les patrons de clubs interrogés disent tous vouloir revenir aux fondamentaux, et mettre d'abord en avant les artistes locaux – conscients de toute façon que la venue des DJs internationaux restera compliquée à organiser dans les 6 prochains mois. « On va faire revenir nos rendez-vous habituels avec nos résidents, les soirées My Grooves les premiers samedis du mois, les "Soulful Sundayz" du dimanche après-midi... Certaines dates programmées avant le premier confinement seront repoussées à la rentrée, mais on a globalement envie de valoriser davantage les jeunes artistes français. », insiste Adrien Assadian.

 

Des établissements fragilisés sur le long terme

 

Une inconnue persiste, l'étendue des aides allouées aux clubs suite à la réouverture. Pendant ces 15 derniers mois, les aides aux TPE-PME et le chômage partiel ont permis à la plupart des clubs de se maintenir à flot, même si le Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs annonçait au mois de janvier que près d'un tiers des 1500 discothèques françaises ont déjà mis la clef sous la porte. « Je pense que personne ne réalise encore l'étendue des dégâts sur le long terme », s'inquiète Adrien Assadian. « Je n'ai aucune idée du temps qu'il nous faudra pour revenir à l'équilibre. En temps normal, la plupart des clubs sont déjà sur le fil du rasoir en termes de rentabilité ; d'où l'importance du projet club culture, pour continuer à valoriser nos établissements après les confinements », insiste-t-il. Depuis trois mois, une quarantaine de clubs sont en contact permanent pour se serrer les coudes, se tenir au courant des actualités du secteur et surtout militer pour leur reconnaissance comme établissements culturels. La crise sanitaire aura au moins permis ce dialogue inédit entre les clubs de toute la France, et de nouvelles convergences pour réfléchir à des soirées plus « paritaires, éthiques, respectueuses de l'environnement », comme le promet Alexis Tenaud.

 

C. Laborie

 

28/06/2021