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Comment combattre le trac du live quand on est DJ ? Les conseils d’une spécialiste

 

Il y a ceux, comme Dalida, qui veulent mourir sur scène. Et puis il y a ceux qui, dès qu’ils sont devant le public, ont des accès de tachycardie. Le trac est un véritable fléau chez les musiciens électroniques comme chez les autres. Virginie Aster, violoniste, en a fait son combat : éradiquer le “mauvais stress”, celui qui nous paralyse au lieu de nous galvaniser. Violoniste de formation, elle anime des ateliers au CNSM et à la Philharmonie de Paris, et a aussi travaillé avec des DJs. Voici ses conseils.

 

trac

 

Par Trax Magazine
En partenariat avec la Electronic Music Factory

 

En amont, une préparation psychologique

 

Premiers instants derrière vos platines : votre coeur s’accélère, vous respirez plus vite, votre sang afflue dans vos muscles… Mais que se passe-t-il ? C’est votre cerveau qui prépare votre corps à réagir au danger. Il se comporte exactement comme si un animal sauvage avait surgi sous votre nez et qu’il fallait s’apprêter à fuir ou à combattre. Le trac, c’est ça : une peur transformée en instinct de survie. 

Le problème, c’est que sur scène, il s’agit d’un sentiment parfaitement déraisonné. Ce dont vous avez peur, c’est d’être jugé, de mal jouer… Mais dans votre cerveau, cela a pris des proportions bien trop grandes. Regardez autour de vous, il n’y a aucune menace objective. La première chose que conseille Virginie Aster, c’est d’analyser les causes de cette peur démesurée. Pendant ses stages, elle pose aux musiciens les questions suivantes : pourquoi avez-vous choisi ce métier ? Qu’est-ce que la scène représente pour vous ? La violoniste tente de bien leur faire assimiler qu’il n’y a pas de danger réel sur scène. Qu’il s’agit d’un lieu de fiction, où l’enjeu est tout simplement de transmettre des émotions. Prenez un moment pour percevoir vos craintes à leur juste mesure. Non, vous ne risquez pas la mort, et si ça peut vous paraître évident, il faut que votre cerveau le comprenne. 

 

Se programmer à la réussite

 

Quand on est stressé, on a tendance à s’imaginer en train d’échouer pour s’y préparer : c’est le pire des réflexes, parce que ça conditionne notre cerveau à la débâcle.Virginie Aster propose de s’exercer à « la visualisation positive ». Fermez les yeux, représentez-vous ce que vous ferez pendant votre set. C’est prouvé : qu’on imagine une action ou qu’on la vive réellement, notre cerveau vit la même chose. Alors quand on se voit en train de faire le set parfait, on se programme à la réussite, comme si on répétait pour de vrai. Magique.

 

Se préparer à l’entrée sur scène

 

Avant de commencer votre mix, il vous faut absolument créer ce que Virginie Aster appelle « un sas de décompression de la vie ordinaire », pour rendre le corps performant. Ne pas se focaliser sur son stress, mais détendre ses muscles par étapes, du front aux orteils. Naturellement, vous atteindrez alors une respiration plus profonde, abdominale.

Une fois passé sur scène, les premiers pas devant le public sont souvent les plus effrayants. Des milliers de question défilent dans votre tête : qu’est-ce que je fais de mes bras ? Dois-je saluer ces inconnus qui sont venus pour moi? D’après Virginie Aster,  « commencer un concert par un moment de vide, c’est dévastateur pour la suite. Il vaut donc répéter son entrée, ses regards, ses gestes, afin de savoir exactement quoi faire, pour se mettre en confiance. »

 

Transmettre les bonnes émotions

 

Ça y est, votre corps est (un peu) détendu, vous enchaînez (fébrilement, tout de même) les tracks. Mais comment parvenir à être vraiment dans l’instant présent, à vivre les émotions que vous voulez faire passer à votre public ? Quand on est mort de trouille, on risque de transmettre cette peur à l’audience et de la mettre mal à l’aise. 

Lors de ses stages, la “prof anti-trac” Virginie Aster teste une drôle de technique, selon elle redoutablement efficace. « Dans un même enchaînement de morceaux, vous voulez exprimer différentes émotions successivement : la douceur, la colère, la joie… Pour les transmettre au mieux au public, il faut que vous les ressentiez vous-même. Pour cela, je conseille d’imaginer une scène associée à chaque émotion, pour en écrire une sorte de scénario mental. Si vous exprimez la douceur, vous pouvez par exemple vous représenter en train de calmer un bébé qui s’apprête à pleurer… Pendant le concert, vous vous rejouerez intérieurement ces scènes. Cela permet d’être pleinement dans l’intention que vous voulez transmettre, tout en oubliant la peur. »

Combattre le trac, ce n’est pas seulement respirer profondément cinq minutes avant de monter sur scène. C’est apprendre à se concentrer sur la raison pour laquelle on est là : communiquer avec le public. Virginie Aster s’est « longtemps demandé ce qui fait le charisme d’un musicien ou d’un comédien, pourquoi il a ceux qu’on ne peut pas quitter des yeux et ceux qui passent inaperçus. » Sa conclusion ? « Je crois qu’on dégage quelque chose de fort lorsqu’on est à l’écoute de soi-même. Si on est en phase avec ses émotions, le public le perçoit. » C’est à la fois simple et très compliqué. À vous de jouer. 

 

C. Laborie

 

29 octobre 2019