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Pourquoi la rémunération des artistes joués en club fait encore débat

 

Pour garantir la rémunération des artistes interprètes dont la musique est jouée lors des DJ sets, les clubs doivent chaque année cotiser auprès de la Spré. Les patrons de certains clubs électroniques remettent en cause ce fonctionnement, qui impose un taux similaire aux établissements à vocation artistique et aux discothèques plus commerciales. 

30 mars 2022

 

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Le Badaboum © Lily Rault

 

Par Trax Magazine

En partenariat avec la Electronic Music Factory

 

Comment rémunérer les artistes dont les titres sont joués dans des clubs, alors qu’il est désormais acquis qu’un DJ set constitue une œuvre à part entière ? Depuis 1985 et la loi Lang, une même règle s’applique aux discothèques, aux bars, aux stations de radio et aux chaînes de télévision qui diffusent de la musique. Les exploitants n’ont pas à demander d’autorisation aux artistes interprètes ni aux producteurs d’un morceau avant de le diffuser, mais sont tous sommés de contribuer à la rémunération de ces ayant-droits via un versement annuel à la SPRE. La rémunération sera ensuite reversée aux artistes interprètes via l’Adami et la Spedidam, et aux producteurs de disques par la SCPP et la SPPF. Pour les boîtes de nuit, le barème s’élève à 1,65 % du chiffre d’affaires. « Quand on est responsable et qu’on comprend l’écosystème de la musique, cela paraît normal de payer pour pouvoir diffuser de la musique », note Loïc Challier, directeur de la SPRE. « Quand on sert de l’alcool, on a payé pour les bouteilles. C’est pareil pour la musique ! »

 

Le sujet fait pourtant débat chez certains clubs de musiques électroniques, aujourd’hui réunis sous la bannière des « clubs culture », un mouvement né pendant la crise du Covid pour distinguer les établissements à vocation artistique des lieux plus commerciaux. Aurélien Antonioni, directeur associé du Badaboum, dans le 11e arrondissement de Paris, insiste sur la distinction entre les lives, les DJ sets incluant des mix exclusifs et les sets plus « classiques », conçus comme une compilation de morceaux préexistants. « Les gens qui se rendent dans notre établissement viennent assister à un concert, comme ils iraient voir Justice au Zénith. », note-t-il.  « Nous allouons un budget de 20% de notre chiffre d’affaires aux cachets des artistes, or nous payons la même cotisation à la SPRE que des discothèques commerciales, avec un DJ résident qui passe des tubes à la suite tous les week-ends. On aimerait amorcer des discussions pour faire valoir la spécificité des clubs culture auprès de la SPRE, et faire en sorte qu’un taux de taxation différent soit appliqué », insiste le patron de club, qui rappelle tout de même que les clubs culture « vivent grâce à la musique, donc il faut encourager la création musicale. Il faut que les artistes puissent vivre de leur art ».

 

Les artistes eux-mêmes sont peu au fait du mode de rétribution de l’argent récolté par la SPRE auprès des clubs. Depuis quelques années, l’organisme dépose des boîtiers de reconnaissance musicale dans cent établissements nocturnes censés être représentatifs des styles de musique joués dans toute la France. L’argent récolté par la Spré est reversé par la Spedidam et l’Adami aux artistes en fonction des morceaux diffusés dans ces 100 boîtes de nuit sur une période donnée. David Asko, qui a commencé en tant que DJ techno dans les années 1990, et s’est lancé dans la production il y a une dizaine d’années, note que la plupart des artistes comptent aujourd’hui davantage sur les cachets que sur la diffusion de leur musique pour gagner leur vie. « À mes débuts, quand on sortait un EP et qu’il cartonnait, on pouvait gagner pas mal d’argent. Les vinyles se vendaient chez des disquaires spécialisés dans toute la France. Aujourd’hui, avec la digitalisation, les disques ne se vendent presque plus, et on ne compte pas là-dessus pour gagner sa vie », résume l’artiste de 43 ans, qui a fait ses premiers sets dans des raves à partir de 1995. « Au début, toutes les soirées techno étaient organisées sous statut associatif, le modèle économique était très différent d’aujourd’hui. J’ai vu la musique électronique se démocratiser, elle est désormais jouée partout : à la télévision, à la radio, dans des publicités… Le cadre a changé, et de nouvelles questions se posent quant à la rémunération des artistes. », conclut-il. Le débat entre les clubs culture et la SPRE reste ouvert. 

 

Lexique des gestionnaires des droits d'auteur

 

SPRE (Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce) 

Société chargée de collecter la rémunération destinée aux artistes-interprètes et producteurs de disques auprès des lieux de diffusion (bars, discothèques, chaînes de radio et de télévision…). 

 

ADAMI (Société civile pour l’administration des droits des artistes et des musiciens interprètes) : Société chargée de la gestion de la rémunération des artistes-interprètes principaux pour la diffusion publique de leurs morceaux (à la radio, dans des commerces, à la télévision…).

 

SPEDIDAM (Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes) 

Société chargée de la rémunération des artistes-accompagnateurs pour la diffusion publique de leur musique.

 

SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) 

Société chargée de la perception, de la répartition et de la rémunération des producteurs phonographiques. Elle propose aussi une aide à la création musicale avec ses fonds. 

 

SPPF (Société civile des producteurs de phonogrammes en France) : 

Société créée par des producteurs indépendants, participant à la redistribution des rémunérations des producteurs phonographiques au titre de la copie privée et de la rémunération équitable. 

 

C. Laborie