Brexit : quel impact pour le travail des musiciens ?
Londres et Manchester comptent parmi les villes fondatrices de genres musicaux aussi importants que la brit pop, la new wave et l'acid house. Ce statut de capitales mondiales du live sera-t-il mis en cause par la sortie de l'Union Européenne ? Dans le monde de la culture outre-Manche, on craint l'arrivée de nouveaux obstacles aux tournées internationales, aussi bien pour les artistes étrangers que pour les Britanniques eux-mêmes.
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Par Trax Magazine
En partenariat avec la Electronic Music Factory
Après de longues années de négociations entamées après le référendum du 23 juin 2016, nous y sommes : le Brexit est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Et alors que le traitement médiatique s'était jusqu'ici concentré sur les conséquences migratoires ou sur la pêche, un autre secteur s'inquiète de ce divorce : celui de la musique. Car si pour l'heure, les tournées sont toutes mises entre parenthèses pour cause de crise sanitaire, les déplacements des artistes pourraient bientôt devenir plus compliqués, plus longs et plus onéreux.
À partir du 1er janvier 2020, un visa devient nécessaire dans la plupart des cas pour travailler au Royaume-Uni si l'on n'y était pas installé avant la fin de l'année 2020. Une procédure payante, avec une demande à effectuer auprès du site du gouvernement britannique. « Pour l'heure, rien de précis n'a été annoncé concernant les tournées des artistes européens au Royaume-Uni », précise David Kenna, consultant auprès du Bureau Export à Londres. « Tout est tellement flou depuis le début du Brexit qu'il faudra sûrement attendre que les concerts soient à nouveau autorisés pour connaître les nouvelles modalités. » Les Européens qui se rendront en Grande-Bretagne pour y travailler un mois ou moins devraient cependant pouvoir demander le Permitted Paid Engagement Visa, qui s'adresse (entre autres) aux artistes, aux sportifs, aux conférenciers et aux mannequins. Ce visa a un prix : 105 €.
Autre question qui se posera aux artistes en tournée : celle des instruments. Certains documents sont désormais nécessaires pour transporter du matériel professionnel. Un « carnet ATA », délivré par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, pourrait faciliter le passage des instruments à la douane, en prouvant qu'on ne les transporte pas pour les vendre.
En ce qui concerne la PRS, la société de gestion collective britannique a d'ores et déjà assuré que le Brexit ne changerait rien pour ce qui est de la collecte des droits d'auteurs en Europe.
Le sujet mobilise aussi le monde de la culture en Grande Bretagne, c'est toute la vitalité de la scène actuelle qui est en jeu. Des villes comme Londres, Brighton et Manchester restent des capitales incontournables de la musique live, même si les artistes y sont très précaires. Avec l'instauration d'une nouvelle politique migratoire, il sera aussi plus difficile pour les musiciens émergents européens de s'installer au Royaume-Uni pour tenter d'y faire carrière. « Dans les milieux culturels britanniques, il y a cette grande crainte d'être isolé, et peut-être exclu des tournées quand des artistes internationaux viendront en Europe. Les conditions de travail sont déjà très difficiles ici pour les musiciens, le Brexit pourrait avoir un impact négatif sur l'attractivité du pays. », note David Kenna. Une pétition demandant la gratuité des visas de voyage en Europe pour les professionnels de la musique live a déjà récolté plus de 227 000 signatures depuis le 22 décembre. Conformément à la loi britannique, la proposition devra être discutée au Parlement.
C. Laborie
12 janvier 2021