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On a parlé de l'avenir du clubbing avec les fondatrices d'Act Right

 

Comment, après un été sans festival ni clubs, imaginer des fêtes plus en phase avec leur époque ? En pleine crise de la culture, le monde de la nuit est sommé de se remettre en question. Marion Delpech, fondatrice de PWFM et membre du conseil d’administration de Technopol, et Cindie Le Disez, co fondatrice de l’agence AMS Booking, ont pris le problème à bras le corps. Avec leur projet Act Right, elles veulent agir concrètement pour des soirées plus “safe”, écolo et inclusives. Dans cette interview, les deux militantes nous donnent leur aperçu de l'avenir du clubbing. 

 

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©  Léo Vidale

 

Par Trax Magazine
En partenariat avec la Electronic Music Factory

 

Comment et quand est né Act Right ?

Marion Delpech : On a commencé à y réfléchir à l'hiver dernier, à un moment où les questions autour des « safe spaces » étaient de plus en plus présentes dans les milieux festifs. De nombreuses tribunes étaient publiées, mais on voulait créer des actions concrètes au-delà des effets de com'.

Cindie Le Disez : Je travaille avec beaucoup de DJs, et je reçois de plus en plus de témoignages d’agressions, de discrimination. Les artistes, notamment les femmes et les personnes LGBT+, veulent être porteuses du changement. Et c’est aussi avec elles qu’on a conçu ce projet. 


 

Quelles sont les actions concrètes que vous voulez mettre en place pour que chacun se sente en sécurité en soirée ?

Marion Delpech : On veut faire le lien entre les associations qui existent déjà et les organisateurs de soirée. L'un de nos axes principaux, c'est la formation du personnel de sécurité et des organisateurs. Les vigiles sont formés pour accueillir du public dans un supermarché, par en club ! Nous travaillons avec l'association Consentis, qui dispense des formations d'une demi journée pour apprendre à réagir face à des agressions sexuelles, accueillir du public en état d'ivresse... A l’avenir, nous voulons aussi mettre en place une hotline pour joindre le personnel de sécurité à tout moment, élaborer une application pour se géolocaliser et demander de l'aide en cas d’agression, mais aussi, plus simplement, créer des affiches qui rappellent les principes de base du consentement. On voudrait aussi collaborer avec les sociétés de VTC pour assurer la sécurité du public au moment du retour à la maison. 


 

Vous vous intéressez aussi à la réduction des risques.

Marion Delpech : Dans ce domaine, nous agissons en collaboration avec Lorenzo Lacchesi, un DJ parisien qui souhaite créer « Nuit parallèle », une plateforme digitalisée pour aider les personnes dépendantes en milieu festif. Son site regroupera des associations comme Fêtez Clair, Charonne ou Médecins du Monde, et les usagers de drogue pourront y poser des questions de façon anonyme à des professionnels de la prévention. A terme, Lorenzo veut aussi créer une carte des lieux où l'on peut faire tester ses produits près de chez soi ou près de la soirée où on compte se rendre.

Cindie Le Disez : Le constat, c'est que les associations ne sont pas assez nombreuses pour être présentes à toutes les soirées, et qu'il est aujourd’hui impossible de demander de l'aide au personnel de sécurité sur ces questions-là. Il faut que les vigiles soient mieux formés ! On a aussi créer un protocole d'action pour que les lieux de fête soient mieux adaptés aux usages de drogue, par exemple avec la mise en place systématique d'un coin chill out. Enfin, du matériel de prévention devrait être disponible dans chaque soirée.


 

Vous mettez aussi l'écologie au cœur de votre engagement.

Cindie Le Disez : ça, c'est une volonté qui nous est beaucoup venue pendant le confinement. On s'est rendu compte qu'on ne pouvait plus oublier l'aspect environnemental. Les clubs signataires de la charte « Act Right » doivent réfléchir à comment travailler avec des artistes et des producteurs locaux, mais aussi réduire leur consommation de plastique.


 

Comment peut-on adhérer à votre projet ?

Marion Delpech : Tout devrait être prêt en septembre ou octobre. Les organisateurs de soirées, lieux et festivals pourront adhérer à notre association en payant 50 €, le prix sera baissé pour les organismes plus petits. En adhérant, ils auront accès à notre campagne d'affichage, nos protocoles d'action... Et ils obtiendront un label qu'ils pourront afficher pour communiquer auprès du public. Pour cela, les professionnels devront signer une charte et s'engager à respecter la parité au sein de leurs équipes comme au sein des programmations, mais aussi prendre des mesures écologiques et de réduction des risques.


 

Depuis le début du confinement au mois de mars, le milieu de la fête se remet en question. Nombreux sont les artistes, bookers, organisateurs de soirée qui espèrent voir les choses évoluer à l’heure de la réouverture des discothèques. Pensez-vous que la période est propice aux changements des mentalités ?

Cindie Le Disez : Il y a une demande claire de changement, on le voit sur les réseaux sociaux, beaucoup de fêtards dénoncent publiquement les agressions sexuelles en soirée, par exemple.

Marion Delpech : Les gens font plus attention parce qu'en ce moment, beaucoup de soirées sont annulées donc on a le temps de penser à demain. C'est aussi un enjeu générationnel : on a bien compris que le monde tel qu'il est ne fonctionne pas, qu'on a besoin de plus de solidarité, de se soucier davantage de notre avenir et de celui de la planète. Et dans toutes ces questions, la fête tient une place centrale. Le secteur culturel est en très grande difficulté, mais les populations et notamment les jeunes ont plus que jamais besoin de se vider la tête et de s'amuser. Alors c'est une occasion idéale pour se poser les bonnes questions et initier le changement !

 

C. Laborie

 

30 juillet 2020