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DJ : quel statut choisir ?

 

Quel statut juridique idéal adopter pour un DJ ? Que ce soit à temps plein ou en complément d’une autre activité professionnelle, il vous faut choisir entre deux approches différentes : celle du salariat, au cadre bien défini et aux protections évidentes ou celle de l’entreprenariat, à la liberté mais aussi à la prise de risques plus importantes. 

Electronic Music Factory vous explique dans le détail tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur ces deux modèles avec leurs avantages et inconvénients.

 

Août 2021

 

Le 29 octobre 2020, la Cour Fédérale des Finances allemande a reconnu les clubs comme des établissements de spectacle vivant, et les DJ qui s’y produisent comme des artistes-interprètes. La France n’avait pas attendu si longtemps, puisque depuis 2012, le métier de DJ a été inscrit à la Convention Collective du Spectacle, dans ses annexes 8 et 10, en tant qu’artiste-interprète qui « utilise les techniques du mixage, scratching, sampling, à partir de musiques, d’instruments, de sons ou de voix enregistrées déjà existants ou produits en direct pour interpréter sur scène une œuvre originale. » 

L’artiste-interprète étant un artiste du spectacle vivant, le Code du travail indique que tout contrat par lequel un entrepreneur s’assure le concours de cet artiste contre rémunération est un contrat de travail, dès lors que l’artiste n’est pas inscrit au registre du commerce (art. L7121-3). Par conséquent, il existe deux manières d’exercer l’activité de DJ : en tant que salarié ou en tant qu’entrepreneur. 

 

Statut Dj
© Bernard Bodo

 

DJ SALARIE

Le salariat est la modalité la plus simple en tant qu’artiste.  

Vous signez pour vos DJ sets un contrat de travail (souvent un CDD d’usage) et recevez une fiche de paye. Vous êtes salarié pour vos prestations par les bars, clubs, festivals…Que vous soyez en CDI, CDD ou rémunéré au cachet, les conventions collectives fixent un tarif minimum pour les musiciens du secteur des musiques actuelles.  

 

Sur le plan social 

Vous bénéficiez de la couverture sociale accordée aux salariés ainsi que de l’assurance chômage des artistes intermittents du spectacle. Pour obtenir ce graal, il vous faut accomplir le nombre d’heures nécessaires, soit 507h ou 43 cachets sur un an. 

 

Un conseil 

Pour augmenter vos chances d’obtenir des dates, vous pouvez faire appel à un agent (ou booker), qui se charge de trouver des engagements. Dans ce cas, vous devrez lui reverser une commission sur les revenus générés ou une somme forfaitaire. 

Vous pouvez également être sous contrat avec un producteur de spectacles dont le rôle est de commercialiser vos prestations artistiques publiques et d’organiser votre calendrier de tournée. En tant qu’artiste, vous devenez dès lors le salarié de votre tourneur sous le statut de l’intermittence. 

 

Le + en tant que salarié 

Vous êtes protégés par la Sécurité sociale (santé, retraite) et la mutuelle du spectacle (Audiens), et n’avez plus qu’à jouer de la musique et à vous faire connaître !  

 

Le – en tant que salarié 

Une partie des revenus générés vient rémunérer votre booker/producteur pour son travail à vos côtés, conformément au contrat conclu avec lui. 

En tant que salarié, vous ne pouvez pas être l’organisateur de vos prestations (en clair, vous ne pouvez pas être patron et employé en même temps).

 

DJ MICRO-ENTREPRENEUR 

La micro-entreprise (anciennement auto-entrepreneur) est une forme simple pour facturer une activité de DJ complémentaire à une activité principale. 

 

Quelles formalités ? 

Les formalités de création de votre structure sont rapides, vous devez déclarer votre activité de prestation et de production artistique sur le site internet de l’Urssaf qui vous attribuera un N° SIRET ou directement auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE).  

Par ailleurs, bien que vous exerciez un métier de prestations de services, votre activité est considérée comme commerciale. Vous devez donc également vous immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).  

 

Quel plafond de chiffre d’affaires ? 

Le plafond de chiffre d'affaires annuel à ne pas dépasser pour rester dans le régime de la micro-entreprise est de 72 600 €. Les cotisations sociales représentent 22,2 % de votre chiffre d’affaires mais vous ne pouvez pas les déduire de votre bénéfice car aucune dépense ou charge n’est déductible. Si vous dépassez ce chiffre d’affaires, vous basculez ensuite vers le régime de l’entreprise individuelle et vous paierez plus d’impôts et de cotisations sociales.  

 

Le + de la micro-entreprise 

La création et la gestion de la micro-entreprise sont simples et permettent de facturer des DJ sets, même irréguliers. Vos cotisations sociales sont calculées sur le chiffre d’affaires encaissé chaque mois ou chaque trimestre. 

Vous êtes dispensés d'établir des comptes annuels (bilan, compte de résultat, annexes…). Vous devez seulement inscrire vos dépenses et recettes sur un registre. 

 

Le – de la micro-entreprise 

La micro-entreprise n’offre pas un régime d’assurance chômage identique à celui des salariés intermittents du spectacle.  

Vous n’êtes pas soumis à la TVA et ne pouvez donc pas la récupérer. 

La micro-entreprise ne vous permet pas d’être en même temps intermittent du spectacle. 

*Possibilité de bénéfice sous certaines conditions de prestations pendant six mois 

> Pour en savoir plus...

 

Elle ne vous permet pas non plus d’organiser des soirées car vous ne pouvez pas obtenir la licence d’entrepreneur de spectacle (cf. DJ entrepreneur ci-dessous). Technopol souhaiterait obtenir un régime intermédiaire pour qu'un DJ micro-entrepreneur puisse obtenir une licence d’entrepreneur de spectacle qui lui permettrait de céder ses spectacles et de les facturer, mais ce n’est pour l’instant pas le cas. 

Votre activité ne doit pas dépasser un certain seuil et vous ne pouvez pas déduire de charges, y compris l’achat de matériel. 

 

DJ ENTREPRENEUR 

L’entreprenariat est la forme qui vous procure le plus de liberté et de pouvoir sur votre activité. En fait, vous devenez entrepreneur/producteur de spectacles. 

Quelles formalités ? 

Vous avez le choix entre créer une SARL ou une SAS si vous comptez vous associer avec d’autres personnes, une EURL ou une SASU si vous vous lancez seul, c’est à vous de choisir. 

Pour les sociétés commerciales (SARL, SAS, EURL, SASU), il n’y a pas de capital social minimum de départ nécessaire, mais les obligations de déclarations comptables sont plus contraignantes : rédaction des statuts, annonce légale, formulaire CERFA de création et immatriculation auprès du greffe du tribunal de commerce et il faut de surcroît établir un bilan annuel, compte de résultat, annexe, ce qui n’est pas le cas en micro-entreprise. 

Si vous souhaitez vous même organiser une soirée, vous n’êtes plus seulement intervenant mais organisateur. Vous devez obtenir une licence d’entrepreneur du spectacle de catégorie 2 voire également de catégorie 3. À noter toutefois que cette licence est obligatoire dès lors que votre structure a pour activité principale la production de spectacles quel que soit le nombre de représentations par an. Vous établirez alors des contrats de prestation artistique ou de cession avec l’organisateur, et votre structure peut vous salarier en tant qu’artiste-intermittent du spectacle (sous réserve que vous n’en soyez pas le dirigeant).  

 

Le + du statut de DJ entrepreneur  

Il n’y a pas de limite de chiffre d’affaires et vous pouvez déduire de vos bénéfices une partie de vos charges, dont l’achat de matériel. 

Vous pouvez facturer et récupérer la TVA 

Vous pouvez organiser vos propres soirées. 

 

Le – du statut de DJ entrepreneur 

Vous n’avez pas le droit aux allocations chômage, sauf dans de rares exceptions (en cas de liquidation judiciaire, si vous avez une autre activité salariée…). Vous ne pouvez donc pas être intermittent du spectacle si vous êtes entrepreneur. 

 

Ce qu’il faut savoir :

Il faut prendre garde au fait que l’activité de DJ est soumise à une forte présomption de salariat, qui existe même si l’artiste conserve « la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu’il participe personnellement au spectacle. » La prestation peut être requalifiée en contrat de travail en cas de contrôle Urssaf. De plus, l’absence d’artistes salariés peut rendre difficile l’obtention ou le renouvellement de la licence d’entrepreneur de spectacles. 

Pour parer ces risques, il faut éviter de facturer toujours le même organisateur mais avoir plusieurs clients, toujours sous le statut d’entrepreneur (ne pas mélanger statut d’entrepreneur sur certaines dates et salarié sur d’autres) et avec une rémunération et un montant de charges correspondant bien au nombre de dates.

 

DJ AUTEUR 

Le DJ est un artiste musicien au sens juridique dès lors qu’il y a pratique du mix comme défini dans la Convention collective du spectacle vivant évoqué en préambule. En tant qu’artiste-interprète, il peut adhérer auprès de sociétés de gestion des droits voisins comme l’Adami et la Spedidam afin d’être rémunéré sur l’utilisation des enregistrements de ses prestations (au même titre qu’un producteur de disques. 

Si le DJ-remixeur compose sa propre musique (producteur), il est également auteur compositeur et peut à ce titre devenir membre d’une société de droits d’auteur comme la Sacem et y déposer ses œuvres, afin de percevoir les droits d’auteur qui lui reviennent lors de l’exploitation de ses œuvres soit dans le cadre de leur diffusion publique (DJ-set, diffusions radio et TV, exploitation digitale) et soit dans le cadre d’une production de phonogrammes (disques, CD, distribution digitale).  

S’il se contente de passer des disques dans des clubs où il est résident, dans des bars ou dans des fêtes, le DJ n’est considéré ni comme un DJ-remixeur artiste-interprète (il ne peut accéder au statut de l’intermittence), ni comme un créateur et ne peut donc revendiquer le statut d’auteur. 

 

Quelle rémunération ? 

En tant que compositeur de musique électronique membre de la Sacem, lorsque vous effectuez un set en mixant des œuvres musicales qui ne sont pas de vous lors d’un live, pendant un festival ou dans un club (dans la mesure où vous n’êtes pas le DJ résident), vous recevez pour votre mix, une quote-part de 1/12 (environ 8%) des DEP (Droits d’Exécution Publique) sur les droits d’auteur collectés par la Sacem auprès de l’organisateur et au prorata de la durée de votre prestation. Les 11/12 restants (environ 92%) sont répartis aux créateurs originaux des œuvres que vous avez utilisées. 

Pour les droits d’auteur que vous percevez dans ce cas, vous relevez du régime social des artistes auteurs. Vos droits d’auteur sont soumis à cotisations sociales. Vous avez une déclaration sociale à faire chaque année auprès de l’Urssaf en tant qu’artiste-auteur. 

 

En résumé…

  • Si vous concevez l’activité de DJ comme un complément et qu’il vous semble impossible d’obtenir assez d’engagements pour accéder à l’intermittence du spectacle, autant emprunter la voie de la micro-entreprise, peu contraignante, quitte à bifurquer vers une forme de société si vos ambitions augmentent. 
  • Si vous avez en revanche décidé de faire le grand saut et d’en faire votre activité principale, mais que vous ne disposez pas de talents administratifs en plus de vos talents artistiques, choisissez l’activité salariée auprès d’un booker/producteur de spectacles. Il vous aidera à trouver plus de dates qu’en cherchant seul, et se chargera de l’organisation logistique et administrative. Vous augmentez vos chances d’accéder au statut d’intermittent du spectacle et de profiter de la sécurité qu’il procure pour pouvoir vous consacrer à votre art. 
  • Enfin, si vos projets incluent l’organisation de soirées, le montage d’un label, d’une structure d’édition, vous pouvez vous diriger vers une société commerciale, en ayant à l’esprit que la partie administrative et juridique requièrent des compétences et du temps qu’il n’est pas possible d’éluder. Il faut être autant « gestionnaire » qu’artiste, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Attention, si vous souhaitez dans ce cadre être considéré comme salarié intermittent du spectacle de votre structure, vous ne pouvez la diriger. 

 

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