Actualité

Comment « sampler » en toute légalité ? Petits conseils pratiques

 

Peut-on sampler qui on veut et ce que l’on veut pour en faire sa musique en en toute légalité ? Pas si simple. Rencontre avec Pierre Laugier, avocat en droit d’auteur et depuis plus de 15 ans en droit de la musique. 

 

 

vinyles

 

Par Trax Magazine
En partenariat avec la Electronic Music Factory

 

On s’y voit déjà : sortir le hit de l’année avec un sample bien senti du Stronger de Kanye West à la quatrième mesure, et un Flavien Berger à la huitième. Le sampling - ou échantillonnage - est un vivier infini d’inspiration et d’hommage. James Brown peut d’ailleurs se vanter d’être l’artiste le plus samplé de l’histoire. Mais qu’il dure deux ou dix secondes, sampler n’exempte pas l’artiste du respect des droits d’auteur. Alors pour s’éviter un procès pour plagiat ou une amende bien salée, trois solutions s’offrent à vous pour sampler vos artistes totems. On fait le point avec Pierre Laugier, avocat en droit d’auteur et, depuis plus de 15 ans, en droit de la musique sur les obligations et les risques de l’initiative. 

 

 

Demander l'autorisation

 

Jusqu’à récemment, il était possible d’utiliser des samples sans être inquiétés par qui que ce soit. Pierre Laugier le rappelle : « Si on prend le début des années 80, il y avait une espèce de laisser-faire au niveau du sample, surtout dans le rap. Il n’y avait pas d’autorisation car c’était souvent considéré comme un hommage ». Mais le rap est rapidement devenu une immense industrie. « Tout le système s’est durci et aujourd’hui, il y a de vrai risque si l’on sample sans demander l’autorisation aux ayant droits », ajoute-t-il. Aussi simple que ça ? Oui : si vous souhaitez sampler Danger Mouse, demandez-lui ! Ou du moins, contactez son ayant droit ou son label pour convenir ensemble du meilleur moyen pour utiliser ce son. 

Un contrat s’établit alors entre les deux parties. Il vous faudra alors faire face à deux interlocuteurs : « le producteur pour l’utilisation du master, et aussi l’éditeur », explique Pierre Laugier. À ce sujet, l’avocat est formel : privilégiez toujours une trace écrite de votre accord portant sur le projet dans son ensemble. Une fois le titre sorti, les ayant droits du titre samplé deviennent co-compositeurs du nouveau et vont donc percevoir des droits SACEM sur l’œuvre. Si vous venez à discuter du prix pour le sample, celui-ci évidemment, « ne sera pas le même s’il s’agit d’un gros artiste de major ou un artiste indépendant ». 

Quels risques si l’on ne demande pas l’autorisation ? « Cela dépend beaucoup des juges. Il y a une sorte de tolérance pour les usages très courts, surtout aux Etats-Unis », nous apprend celui qui représente notamment les enfants du compositeur François de Roubaix, vivier d’or musical pour les rappeurs. « Si on prend un sample de 2 ou 3 secondes mais qui revient plusieurs fois, cela passe moins bien que si on ne l’utilise qu’une fois. », explique-t-il. Ensuite, tout dépend de la portée commerciale du titre et des législations des différents pays. 

En 2016, Kraftwerk a perdu une longue bataille contre la rappeuse allemande Sabrina Setlur. Le groupe de krautrock allemand accusait l’artiste d’avoir samplé deux secondes d’un motif sonore de leur titre Metall Auf Metall. Après un marathon judiciaire de vingt ans, la Cour constitutionnelle a admis que, si l’atteinte aux droits est « marginale, alors la liberté artistique prend le pas sur les intérêts du propriétaire du droit d’auteur ». Que faire alors en cas de litige ? « La meilleure solution est de le régler à l’amiable entre les différentes parties », conseille à nouveau Pierre Laugier. 

 

Détourner (ou dépasser ?) l’originale 

 

On écoute quasi chaque jour des morceaux qui utilisent des samples sans que l’on s’en rende compte. Les artistes modifient le rythme de l’original, la tessiture, la couleur et le tour est joué. D’autant qu’une multitude de logiciels de musique permettent aujourd’hui de modifier à sa guise le moindre son. Finalement, parle-t-on réellement là de sample ou d’inspiration ? Pierre Laugier est affirmatif : « Le vrai sampling, c’est utiliser le master tel quel. Mais certains artistes font parfois des covers de masters ». Ils rejouent la séquence quasiment à l’identique en studio. Toutefois, là aussi, une prise de contact avec les ayant droits est nécessaire. Vous devrez alors demander aux propriétaires des droits du titre mais pas au producteur car le titre est réenregistré. Alors, plus question de sample indique Pierre Laugier, « ni de plagiat, de contrefaçon ou de titre ‘à la manière de’, mais plutôt d’une composition originale inspirée par une autre ».

 

Propos recueillis par Angèle Chatelier