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Yuksek nous raconte comment il a composé la B.O de la série événement En Thérapie

 

C'est le plus inattendu des succès télévisuels de ce début d'année. Les Français se passionnent pour En thérapie, série de trente-cinq épisodes en huis-clos, tous situés dans l'intimité d'un psychanalyste en perte de contrôle dans le Paris post-13 novembre 2015. Et pour accompagner les dialogues incroyablement bien écrits, des notes de piano sporadiques, qui viennent souligner l'émotion avec légèreté. La B.O de la série d'Olivier Nakache et Eric Tolédano est signée de l'un des grands noms de la french touch française, Yuksek. Comment passe-t-on de la disco-house la plus survoltée à l'intimité d'une séance d'analyse ? Nous avons interrogé le compositeur français.

mars 2021

 

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© Arte

 

Par Trax Magazine
En partenariat avec la Electronic Music Factory

 

Comment vous êtes-vous retrouvé à écrire cette bande originale ?

Pendant le tournage, l'équipe de la série a présélectionné plusieurs compositeurs, et nous avons tous fait une proposition de thèmes. N'ayant pas encore d'images à disposition, je me suis laissé inspirer par l'ambiance de huis-clos, par l'intimité qui s'installe dans le cabinet d'un psy. C'est mon morceau qui a été retenu, et on l'a gardé quasi intact pour en faire le générique. J'ai ensuite composé une petite sonothèque de nappes à intégrer dans les épisodes, que j'ai ensuite retravaillées au fur et à mesure du montage pour qu'elles s'accordent bien avec les images.

 

Les passages musicaux de la série sont à la fois très discrets et très forts en émotion. Comment les avez-vous imaginés ?

J'ai travaillé des sonorités neutres, un peu mélancoliques, avec des notes très espacées. Tout est joué au piano, puis retravaillé de façon électronique. Par moments, j'ai essayé de créer un dialogue au sein de la musique, avec des notes qui se répondent, comme le font les patients et leur psy. L'objectif global restait de provoquer des émotions sans non plus sortir les violons, sans faire quelque chose de grandiloquent qui aurait pris trop de place dans ces scènes très sobres. J'ai donc imaginé des sons légers, les moins bavards possible. Pour moi, cette musique, c'est un personnage de plus. Comme si la voix intérieure des acteurs apparaissait malgré eux en arrière-plan.

 

 

En parallèle de vos carrières de DJ et de producteur, que vous apporte votre travail pour le cinéma ?

J'adore les échanges que je suis amené à avec avoir les réalisateurs, quand on essaye de saisir les émotions et les idées à transmettre à travers une mélodie ou une sonorité. C'est très riche de travailler avec des gens qui ne sont pas musiciens, et ne parlent pas exactement le même langage que moi. Je peux passer des semaines à essayer d'habiller des scènes, à expérimenter... Et puis vient un moment où il se passe quelque chose de magique : d'un coup, la musique fonctionne avec les images. Une fois que c'est là, tout le monde le voit.

 

Comment avez-vous commencé à travailler pour le cinéma ?

J'ai mis beaucoup de temps à me faire une place, à ce que mon travail soit lisible par les réalisateurs. Mon premier projet, c'était il y a sept ans, et pendant plusieurs années je n'ai fait qu'un film par an. Aujourd'hui, des réalisateurs font appel à moi spontanément : je travaille sur plusieurs projets en ce moment, j'ai écrit la musique de deux longs métrages qui doivent sortir bientôt, le premier long métrage de Jérémie Elkaïm et ma première comédie, l'adaptation du roman graphique Zaï Zaï Zaï par François Desagnat.

 

Pour vous, qu'est-ce qu'une bonne BO ?

C'est une musique qui s'intègre parfaitement dans les images, au point qu'on peut ne pas la remarquer. J'écoute beaucoup de bandes originales des années 1960 – 1970, par exemple celles de François de Roubaix – c'était un vrai bidouilleur électronique ! Le label Transversal réédite aujourd'hui beaucoup de ses bandes originales, dont certaines n'étaient jamais sorties en vinyle. Quand on regarde le film, on ne le perçoit pas spécialement, mais quand on écoute attentivement, on se rend compte d'à quel point les sonorités sont recherchées, créatives, modernes.

 

Dans la situation actuelle, de nombreux artistes envisagent peut-être de se lancer dans la musique à l'image. Quels conseils leur donneriez-vous ?

C'est un domaine précaire, où il est très difficile de se faire une place. Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de beaucoup travailler, d'être sous pression, d'avoir des moments parfois conflictuels, puisque tout se fait en équipe. Mais c'est extrêmement riche : ça m'a permis de développer un autre rapport à ma musique, et cela me nourrira forcément dans le reste de mon travail.

 

Retrouvez la série En Thérapie sur Arte.fr

 

C. Laborie

 

02 mars 2021