Les 25 ans de la Techno Parade, vus depuis le char Sacem Adami
Le 23 septembre dernier, la Techno Parade fêtait son premier quart de siècle dans les rues de Paris. Entre Nation et la Bastille. Pour l’occasion, la Sacem et l’Adami ont affrété un char, avec huit DJs représentant toutes les couleurs des musiques électroniques actuelles. Avec un slogan choisi pour l’événement : « Résolument électros ! Le soutien de TOUTES les musiques électros ».
3 octobre 2023
Voilà un quart de siècle que tous les ans, à la rentrée, les rues de Paris se transforment en festival électronique géant. Pour fêter cela, la Sacem et l’Adami se sont associées pour affréter un char tout en couleur et offrir une scène aux figures tutélaires et meilleurs espoirs de la scène électronique française. Étaient représentés la minimale de Warum, en B2B avec la techno ravy de Mila Dietrich, mais aussi les sonorités éclectiques de Romain FX, en duo avec la house groovy de Maxie. La fan de musiques analogiques MZA, elle, a partagé les platines avec la techno brute de DJ Physical. En milieu d’après-midi, le char a fait place à Maud Geffray, moitié de l’iconique duo Scratch Massive, en duo avec la figure de la scène queer parisienne RAG.
L’occasion de mettre en avant des DJs émergents, comme Warum, qui faisait ici sa première Techno Parade. « Je suis venue à Paris juste pour la journée, c’était une parenthèse assez folle. En tant que DJ, on est souvent enfermé dans des festivals ou des clubs. Ce genre de manifestation permet à nos musiques d’exister dans l’espace public, parmi les commerces, les habitations, auprès de toutes les générations », remarque la Lyonnaise. « Les musiques électroniques cherchent encore leur place, elles sont à cheval entre les musiques actuelles et le monde des discothèques, on a vu pendant le covid à quel point nous sommes encore stigmatisés. Ce genre de moment permet de se fédérer et de se sentir représentés », se félicite la musicienne.
La Sacem, qui s’engage depuis toujours aux côtés des créateurs de musique électronique, était déjà présente aux parades de 2018 et 2019. L’Adami, qui accompagne tous les artistes interprètes, s’engage depuis 2021 avec des workshops visant à mettre en avant les productrices électroniques. À l’occasion de la Techno Parade, les deux sociétés ont lancé une campagne pour rappeler leurs engagements communs à destination des artistes issus du répertoire électronique : protéger, rémunérer et accompagner les créateurs, représenter et défendre tous les genres des musiques électroniques, poursuivre l’engagement en faveur de la diversité, accompagner les projets et la créativité des artistes et continuer d’identifier et de protéger leurs créations à travers le monde.
Une édition exceptionnelle
En 25 ans, la Techno Parade revendique 143 kilomètres parcourus dans les rues de Paris, avec plus de 350 chars, 2 000 DJs et 6,3 millions de participants. Après les annulations en 2020 et 2021 et une année 2022 en demi-teinte, cette édition a suscité un engouement exceptionnel, rappelant l’importance prise par les musiques électroniques dans le paysage culturel français. 400 000 personnes ont suivi les chars dans les rues de Paris : du jamais vu depuis la création du défilé en 1998. Lors de sa première édition, impulsée par l’ancien Ministre de la Culture Jack Lang, la Techno Parade, inspirée de la célèbre Love Parade berlinoise, avait provoqué un certain scepticisme, dans les médias comme dans le monde politique. 200 000 personnes s’étaient réunies sur la place de la Nation « pour la défense et la reconnaissance des musiques électroniques ».
Chaque année, l’événement est l’occasion de mesurer l’évolution de la place des musiques électroniques en France. Maud Geffray se souvient de sa première Techno Parade, au début des années 2000 : « C’était hyper intense, nous étions à un moment où ces musiques étaient moins acceptées, perçues comme marginales. Le public était plutôt jeune et engagé dans la scène ». Samedi dernier, la productrice a pu constater à quel point l’ambiance avait évolué au fil des ans : « C’est devenu un événement vraiment intergénérationnel, il y a des gens qui ont connu l’histoire du mouvement depuis ses débuts, d’autres qui l’ont découvert récemment, et même des bébés sous des casques. Au niveau des musiques aussi, ça va des courants très underground, avec le char du collectif Heretik, aux sonorités plus commerciales, avec le char de Fun Radio. C’est aussi vaste que ce que la scène électronique est devenue ».
Face aux rues noires de monde, les DJs conviés sur le char de la Sacem et de l’Adami ont cherché à adapter leurs répertoires, pour coller à l’ambiance populaire et festive du moment. « J’ai mon dernier track, Bendo, mais aussi un remix d’un morceau de Paramore et une version drum’n’bass de Sweet Dreams, d’Eurythmics. Je voulais jouer la carte de l’aspect fédérateur, avec des titres qui mettent tout le monde d’accord, en les mêlant à mon esthétique », explique Mila Dietrich, venue de Marseille pour l’occasion. Dialoguer avec le public, créer des ponts entre les générations et les scènes, c’est pour elle tout le sens de la Techno Parade, un événement « bon enfant, mais avec aussi un penchant politique. C’est pour ça que j’ai mis mon t-shirt d’Act Up, sur lequel il est écrit : Danser = Vivre. Les musiques électroniques sont presque devenues mainstream, mais il ne faut pas oublier que nos soirées peuvent encore être annulées très facilement », rappelle la productrice.
L’avenir des musiques électroniques
Le samedi 23 septembre, trois ans après le début de la crise du covid, moment d’extrême fragilisation pour tous les acteurs du secteur, la scène s’est montrée plus vivante que jamais. « On voit que le métier de DJ est beaucoup plus accessible aujourd’hui, au niveau du coût du matériel, mais aussi au niveau de la diversité, de l’ouverture aux minorités de genre, aux femmes, aux personnes racisées », se félicite RAG. Pour la DJ et productrice du club Virage, du chemin reste tout de même à parcourir pour assurer le développement des artistes : « il faudrait que les choses soient plus égalitaires, on est encore sur ce modèle où certains ont des cachets exponentiels, quand d’autre DJs tout aussi talentueux sont payés 100 euros pour un set, ce n’est pas normal », regrette-t-elle. « Notre musique est aujourd’hui prise au sérieux, mais les choses pourraient aller plus loin. Il y a quelques années, la mairie de Paris a proposé de créer une maison des musiques électroniques. Ça ne s’est pas encore fait, mais ce serait intéressant d’avoir un endroit pour réunir les acteurs, en lien avec les institutions », espère Maud Geffray. « Derrière les gros événements, il reste pas mal de précarité dans ce milieu », abonde Mila Dietrich. « J’ai le statut d'intermittent, c’est ce qui nous protège le mieux. Il faut faire en sorte de le promouvoir, que tous les artistes puissent avoir accès à cette sécurité », insiste la Marseillaise.
Des revendications formulées pendant la crise du covid, qui ont permis aux acteurs de la scène électronique de se fédérer, mais qui doivent encore être répétées, selon Warum : « cette période a permis de lancer des réflexions hyper encourageantes autour de la parité, de l’écologie, de la mixité, de créer des ponts entre clubs et artistes. Il faut poursuivre cette solidarité ». Au mois de mai dernier, avec huit autres artistes, parmi lesquels MZA et Mila Dietrich, Warum a suivi le programme de mentorat organisé par l’Adami en partenariat avec les Nuits Sonores, visant à mettre en lumière les productrices émergentes. « Ça booste énormément de créer des espaces de dialogue et de confiance entre artistes. Ce genre de moments nous permet de tisser des liens, de se questionner ensemble sur ce qu’on veut pour l’avenir de la scène. La machine est en route », conclut la musicienne Lyonnaise.
Célia Laborie
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